La guerre d’Algérie n’aura pas lieu !


L’explosion des inégalités dans les pays de l’Union européenne, sur fond de croissance faible ou nulle, un endettement public insupportable, un phénomène de polarisation dans lequel les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus nombreux, une population de jeunes au chômage ou entraînés dans des emplois de services peu qualifiés et mal payés, des classes moyennes qui se sentent menacées et qui cherchent des boucs émissaires, émeutes, guerres civiles, l’engrenage de la violence…, ce funeste enchaînement ne vous rappelle rien ?

 « Un peuple qui oublie son passé, se condamne à le revivre ».

En 1935, Jean Giraudoux publiait « La guerre de Troie n’aura pas lieu !«  Avec lucidité, l’auteur voulait dénoncer la passivité de l’opinion publique et le cynisme des hommes politiques qui voyaient venir la guerre, mais ne faisaient rien de courageux pour l’éviter. Sa pièce de théâtre voulait être un avertissement devant la montée du fascisme et du totalitarisme sur fond de crise économique.

Cette année-là aussi, une chanson obtenait un succès phénoménal, qui se prolonge encore aujourd’hui. Intitulée « Tout va très bien, Madame la Marquise ! », son ironie féroce la faisait fredonner par des Français inquiets de la tournure des événements, inquiets, mais lucides, à l’image de son interprète, à l’époque de sa création, Raymond Ventura, qui était juif.

Et aujourd’hui ? Faut-il écrire « La guerre d’Algérie n’aura pas lieu ! »? En France, le taux de chômage atteint des sommets, sur fond de crise financière, économique et sociale. L’absence de croissance a pour conséquence d’exacerber la fracture sociale, l’individualisme, le communautarisme, la montée d’un « populisme » inquiétant dans la perspective d’échéances électorales importantes. Pour éviter de revivre de nouvelles pages d’une histoire tragique, violente, dont les émeutes urbaines de 2005 ont constitué une préfiguration, mieux vaut mobiliser ceux qui veulent agir. Cette référence à la question d’Algérie est-elle pertinente ? Sans doute, parce que les difficultés actuelles sont la conséquence « d’événements » qui ressemblent à ceux qui ont abouti à une page tragique de l’histoire de France : la chute d’une République, la naissance d’une autre, l’exode des pieds-noirs, les nombreuses victimes du « maintien de l’ordre« , une guerre civile franco-française et algéro-algérienne.

Pierre Nora, historien, dans un article publié en octobre 2011 dans le journal Le Monde, intitulé « Une histoire politisée« , revient sur les difficultés de la France d’assumer son passé colonial. La première raison, c’est que « la dépossession coloniale s’est achevée dans la guerre, Indochine et Algérie : deux défaites sur fond de défaite de 1940« . La seconde raison vient de « l’attitude hésitante et ambigüe de la gauche vis-à-vis de la colonisation, entre le soutien de l’indépendance algérienne et la défense des petits blancs pieds noirs de Bab el Oued« . Bref, conclue-t-il, « les conséquences de la défaite algérienne sont aussi loin d’être terminées que les conséquences de la défaite de 1940« . À la fin du premier semestre 2012, il y aura cinquante ans que la seconde guerre d’Algérie (1954-1962) s’est terminée avec le cessez-le-feu et l’indépendance du pays. Il est sans doute possible de pouvoir évoquer cette page d’histoire de façon apaisée. Ouverte par la première guerre de conquête (1830-1870), puis prolongée par trente ans d’aveuglement, d’erreurs et de lâchetés politiques (1926-1936-1945-1954), cette page d’histoire nous offre des enseignements utiles. Certes, comparaison n’est pas raison. Une comparaison ne prouve rien. Pourtant, si l’histoire ne se répète pas, elle bégaye, dit-on. À mêmes causes, mêmes effets. Le passé mérite d’être examiné afin de mieux comprendre notre présent.

Sur France-Culture, l’émission hebdomadaire de Jean-Noël Jeanneney « Concordance des temps » commence par un texte de Marguerite Duras « le coup d’œil sur l’histoire, le recul sur une période passée, vous donne des perspectives sur votre époque, vous permet de voir les problèmes qui sont les mêmes, ou les problèmes qui diffèrent, ou les solutions…« .

« La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent« . Cette formule attribuée à Albert Einstein devrait être mise en exergue de la politique française de ces trente dernières années. Après les étés chauds des Minguettes (1981), de Vénissieux (1983), de Vaulx en Velin (1990), les émeutes de l’automne 2005 dans les banlieues françaises ont commencé à Clichy-sous-Bois, puis se sont répandues dans un grand nombre de villes à travers la France. On dénombrera alors plus de 10 000 véhicules incendiés, des bâtiments publics de première nécessité calcinés, des écoles vandalisées, souvent des écoles maternelles, des Maisons associatives pillées, des passagers d’autobus menacés de mort. Un rapport de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) écrit notamment : « les jeunes des cités, habités d’un fort sentiment identitaire ne reposant pas uniquement sur leur origine ethnique ou géographique, mais sur leur condition sociale d’exclus de la société française, avaient en commun l’absence de perspectives et d’investissement par le travail dans la société française. Tout s’est passé comme si la confiance envers les institutions, mais aussi le secteur privé, source de convoitises, d’emplois et d’intégration économique, avait été perdue« . Membre de l’équipe championne du monde de football en 1998 et du Haut conseil à l’intégration, Lilian Thuram s’est exprimé à ce sujet « Avant de parler d’insécurité, il faut peut-être parler de justice sociale« .

Ces trois semaines de violence urbaine restent les plus importants « événements » en France depuis mai 1968. L’état d’urgence a été déclaré, puis prolongé pour une durée de 3 semaines. L’état d’urgence (avec le couvre-feu) confère aux autorités civiles des pouvoirs de police exceptionnels portant sur la réglementation de la circulation et le séjour des personnes, sur la fermeture des lieux ouverts au public et sur la réquisition des armes. Ce régime exceptionnel, organisé par une loi de 1955, avait été imaginé pour faire face aux événements liés à la Guerre d’Algérie. Appliquée notamment lors de la Bataille d’Alger (1957), cette loi est toujours en vigueur. En 2005, après ce brutal déchirement du tissu social et culturel français, des inquiétudes persistent. Ces émeutes étaient prévisibles. Elles se reproduiront peut-être.

L’apparition de ces formes de violence, fait référence au personnage de Frantz Fanon. Né le20 juillet 1925 à Fort-de-France (Martinique), Fanon est mort le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans d’une leucémie à l’hôpital Bethesda de Washington. Psychiatre et essayiste martiniquais et algérien, il fut l’un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste. Penseur très engagé, il a cherché à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation, à la fois sur le colon et sur le colonisé. Dans ses livres, il analyse le processus de décolonisation sous les angles sociologique, philosophique et psychiatrique. Il a également publié des articles importants dans sa discipline : la psychiatrie. Frantz Fanon entre au Lycée Victor-Schœlcher de Fort-de-France où le poète Aimé Césaire enseigne à l’époque. En 1943, il s’engage dans l’armée régulière (Bataillon V des dissidents), après le ralliement des Antilles françaises au général de Gaulle. Combattant avec l’armée française du général De Lattre de Tassigny, il est blessé dans les Vosges. Parti se battre pour un idéal, sa culture de résistance est confrontée « au racisme ordinaire, à la discrimination ethnique, à des nationalismes au petit pied ». Après son retour en Martinique, où il passe le baccalauréat, il revient en France métropolitaine. En tant qu’ancien combattant ayant obtenu la Croix de guerre (remise par le colonel Salan), il obtient une bourse d’enseignement supérieur, ce qui lui permet de faire des études de médecine, tout en suivant des cours de philosophie et de psychologie à l’Université de Lyon.

Son expérience de noir minoritaire au sein de la société française lui fait rédiger « Peau noire, masques blancs« , une dénonciation du racisme et de la « colonisation linguistique » dont il est victime en Martinique. En 1953, il devient médecin-chef d’une division de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en Algérie et adapte des thérapeutiques modernes à la culture des patients musulmans algériens. Dès le début de la guerre d’Algérie en 1954, il s’engage auprès de la résistance nationaliste et noue des contacts avec certains officiers de l’Armée de libération nationale (ALN), ainsi qu’avec la direction politique du FLN. Il démissionne de l’hôpital de Blida-Joinville en novembre 1956 et est expulsé d’Algérie en janvier 1957. Il rejoint le FLN à Tunis, où il collabore à l’organe central de presse du FLN, « El Moudjahid« . En 1959, il fait partie de la délégation algérienne au congrès panafricain d’Accra. Il est nommé ensuite ambassadeur du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne au Ghana.

Se sachant atteint d’une leucémie, il se retire à Washington pour écrire son dernier ouvrage « Les Damnés de la Terre« . Il meurt le 6 décembre 1961, quelques mois avant l’indépendance algérienne. Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, est un manifeste pour la lutte anticoloniale et l’émancipation du tiers-monde. Avec ses livres et ses articles, Frantz Fanon est un partisan de la désaliénation de l’homme et un précurseur du multiculturalisme. Cette notion est fondée sur les identités de race et de culture. Si le multiculturalisme a bien fonctionné dans les pays anglo-saxons où les différentes communautés vivent les unes à côté des autres, cette notion est controversée en France, car elle s’oppose à l’universalisme républicain.

Jean-Loup Amselle, anthropologue et professeur à l’EHESS, écrit dans le Monde du 16 septembre 2011 « On se rend compte que le multiculturalisme n’intègre pas les « immigrés », mais la mise en œuvre du multiculturalisme conduit à dresser les uns contre les autres deux segments de la population : l’identité majoritaire et les identités minoritaires… L’essor du multiculturalisme se traduit par une montée tangible du racisme ».

Gérard Chaliand, géopoliticien, spécialiste des conflits asymétriques, professeur à l’ENA, au Collège Interarmées de Défense (rebaptisé École de Guerre) et dans plusieurs universités américaines, observateur engagé des conflits d’aujourd’hui et de ceux d’hier liés à la décolonisation, corrobore l’approche de Frantz Fanon.

Gérard Chaliand affirme que, d’après son expérience, après l’Afrique du Sud avec l’apartheid, il existait en Algérie la situation coloniale la plus extrême : dépossession des algériens évincés des meilleures terres, des non-citoyens dépourvus de droits politiques, « clochardisation » (formule de Germaine Tillion), du fait de l’augmentation de la population sans croissance économique correspondante… Les traumatismes subis et les humiliations ressenties du fait des comportements racistes des colonisateurs et d’un fonctionnement compartimenté dans lequel le colonisé doit rester à sa place, conduisent à l’exigence d’un changement radical du statut colonial.

Frantz Fanon affirme que le système colonial ne peut être renversé que par la violence. Les faits lui donnent raison, puisque le terrorisme va se développer, à Alger notamment, au moment où Albert Camus tente de faire admettre son projet de trêve civile, fin 1955-début 1956, en butte à  la fin de non-recevoir signifiée par les ultras de la population européenne d’Algérie et par ceux du FLN.

Guy Mollet, socialiste de la SFIO, (c’est ainsi que le parti socialiste s’appelait à l’époque), élu en décembre 1955 au titre du Front Républicain animé par Jean-Jacques Servan-Schreiber pour faire la paix en Algérie, personnalise l’embarras de la gauche à propos de la question algérienne. Désigné Président du Conseil, (on dit Premier ministre aujourd’hui), par le Président de la République René Coty, au début 1956, Guy Mollet faisait voter, au bout de quelques mois, les pleins pouvoirs civils et militaires à l’armée en Algérie. Le gouvernement multipliait alors les renforts puisés dans le contingent, couvrait les faits de torture commis par l’armée et par la police algérienne, pourchassait les opposants à sa politique, censurait les publications, autant de méthodes indignes d’une démocratie. 1956 est l’année cruciale du tournant de la guerre d’Algérie, sur fond de guerre froide, avec l’écrasement de la révolte hongroise par l’Union soviétique et de guerre chaude contre le nationalisme arabe de Nasser, avec l’affaire de Suez.

Frère ainé d’Olivier Wieviorka, historien de la seconde guerre mondiale et de la Résistance, le sociologue Michel Wieviorka, spécialiste du terrorisme, des mouvements sociaux comme le racisme, la violence, l’antisémitisme et le multiculturalisme, montre dans son analyse de la violence, que la première idée du colonisé est de redonner vie à une culture traditionnelle qui a été ravagée par la colonisation. Mais, en réalité, dominé par une autre culture qui lui est imposée, une autre idée apparaît, celle que la violence est fondatrice : il s’agit de redevenir « sujet« , d’exister. Mais on est ce que l’on devient. Dans ce processus de « subjectivation« , les victimes restent soit pétrifiées, soit éprouvent, au contraire, un sentiment de révolte. Celui-ci se traduit par une éruption de violence, tournée, soit contre soi-même, soit contre ses voisins ou contre ceux qui vous font violence. Ce qui explique que, lors des émeutes de 2005, les manifestants mettent le feu à leurs écoles, leurs bibliothèques, aux voitures de leurs parents, avant de s’en prendre aux forces de l’ordre.

Ahmed Ben Bella est l’exemple de ce recours à la violence. Sous-officier de l’Armée française, il participe à la seconde guerre mondiale. Promu adjudant, il est décoré de la Médaille militaire par le général de Gaulle, lors de la bataille de Monte-Cassino, en 1944, sous les ordres du général Juin. Il est profondément marqué par la répression des émeutes de Sétif du 8 mai 1945. Il rejoint en 1947 le MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques de Messali Hadj). Il devient ensuite membre de l’OS (Organisation spéciale), organisation destinée à la lutte armée, lorsque les nationalistes algériens se rendent compte que les revendications des nationalistes modérés comme Ferhat Abbas et Messali Hadj n’aboutiront à rien.

« Trop peu, trop tard, trop mou »! Telle est la formule qui peut s’appliquer, en ce qui concerne la décolonisation en Algérie, aux tentatives de réforme, comme l’ordonnance de mars 1944, édictée par le général de Gaulle. Le texte reprenait en gros les propositions du sénateur Maurice Violette, ancien gouverneur général de l’Algérie, dans le Plan Blum-Violette, qui avait été mis aux oubliettes en 1936, à la grande déception de Ferhat Abbas. Celui-ci plaçait beaucoup d’espoir dans l’esprit réformiste du Front populaire. Mesures principales : droit de vote accordé à une « élite » algérienne de 65 000 personnes, rétablissement du décret Crémieux (nationalité française pour les juifs d’Algérie), qui avait été aboli par le régime de Vichy, telles étaient les petites avancées de l’ordonnance. La même « prudence » peut s’appliquer aussi aux dispositions prises à Paris par le gouvernent de la IVe République avec le « Statut organique de 1947 ». Il abolissait le « Code de l’indigénat » et instituait un double collège pour élire 60 députés européens (pour quelque 900 000 habitants) et 60 députés algériens (pour environ 9 millions), ce qui pouvait être perçu comme l’officialisation d’une injustice. Mais c’était encore trop pour les ultras de la population européenne et, lors du scrutin de 1948, pour éviter l’élection de députés partisans du nationalisme algérien, le Résident général Marcel-Edmond Naegelen faisait truquer grossièrement les élections, organisait des intimidations pour empêcher les candidats algériens de se présenter.

À l’époque, deux enseignants dans des lycées algériens, Marc Ferro, professeur d’histoire et Jean-François Revel, professeur de philosophie, pouvaient témoigner que les représentants de l’élite algérienne qu’ils côtoyaient dans leurs cours, avaient compris qu’il n’y avait désormais plus rien à attendre de la part du pouvoir politique français. « Vous nous conduisez à la gare« , disaient les élèves de Marc Ferro à leur professeur, » mais à la gare, il n’y a pas de trains« !

Le général Raymond Duval, sur instructions du général de Gaulle, du gouverneur général d’Algérie Yves Chataigneau et du sous-préfet André Achiary, avait mené une action militaire sanglante afin de rétablir l’ordre dans le Constantinois après les émeutes du 1er et du 8 mai 1945. Cette répression sonnerait la fin de la cohabitation pacifique entre pieds noirs et Algériens et la naissance du sentiment national algérien. Un avertissement du général Raymond Duval prenait toute sa valeur. « Si la France ne fait rien avant dix ans, tout recommencera en pire et de façon irrémédiable. Depuis le 8 mai, un fossé s’est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain, il n’est pas possible que le maintien de la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force« , écrivait-il à sa famille. De fait, le 1er novembre 1954, une nouvelle insurrection éclatait. Elle allait se terminer, huit ans plus tard, par l’indépendance de l’Algérie. La lucidité du général Duval provenait de l’expérience de sa brillante carrière (1894-1955). Cf. « La Guerre d’Algérie par les documents« , édité par le Service Historique de l’Armée de Terre, sous la direction de l’historien Jean-Charles Jauffret, avec une préface du général Robert Bassac.

Participant aux deux guerres mondiales, le général Duval reçut sa première affectation en 1926 à l’État-major d’Alger, au moment où Messali Hadj créait à Paris l’Étoile Nord-Africaine, premier mouvement nationaliste. Il participera ensuite à la pacification du Haut-Atlas marocain et sera, de 1933 à 1935, le chef adjoint du cabinet du Résident général au Maroc. Entré en Résistance en 1942, il s’évade de France en 1943 et après plusieurs commandements en Algérie, gagne ses étoiles de général en Italie, lors de la prise de la ville de Sienne. Débarqué en Provence, il participe à la bataille des Vosges avant d’être muté à Constantine en mars 1945. Il se tuera en 1955 aux commandes d’un avion, qui se crashera au cours d’une opération de maintien de l’ordre dans l’Atlas.

Si Frantz Fanon n’était pas mort prématurément, il aurait été confronté à l’illusion de la notion de violence salvatrice, à l’illusion d’une nouvelle sociologie issue de la violence, aux dérives du multiculturalisme. Confronté aussi au fait que l’engagement, le sacrifice pour une cause, ne conduisent pas forcément à une société où règne l’égalité des chances et à l’absence de corruption… Car le pouvoir absolu, né de la violence, corrompt. Avec le risque d’une collusion de type néocolonial, entre une bourgeoisie affairiste et une bureaucratie militaire, formant une nouvelle « nomenklatura » née de l’indépendance. Il faut aller au-delà de la violence émancipatrice, rechercher une identité acceptée par les colonisés, atteindre une forme de bonheur pour les dominés dans leur situation nouvelle. Frantz Fanon aurait pu être impressionné par l’approche non-violente dans lesquelles le Mahatma Gandhi a été un pionnier.

Théoricien de la résistance à l’oppression à l’aide de la désobéissance civile de masse, fondée sur la non-violence, Gandhi a en effet inspiré de nombreux mouvements de libération et des combats pour les droits civiques autour du monde. Il a inspiré aussi de nombreuses autres personnalités comme Albert Schweitzer, Martin Luther King, Nelson Mandela, Steve Biko, le Dalaï Lama, etc. L’utilisation de la violence est en réalité un aveu d’impuissance, un aveu de faiblesse. Depuis la nuit des temps, l’institution militaire pratique l’adage « montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir« . Pour les diplomates, la formule devient : si vous voulez la paix, préparez la guerre.

Paul Ricœur, philosophe célèbre pour son ouvrage majeur « La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli« , traite de la question coloniale dans un texte extraordinaire et prémonitoire, publié fin septembre 1947 dans la revue Réforme.

À cette date, la brutalité de la répression à Sétif et à Guelma commence à être connue (3 000 à 40 000 victimes selon les sources) et que débute à Madagascar une insurrection qui sera réprimée fin 1948 dans un bain de sang. Elle fera, selon les sources, de 40 000 à 90 000 victimes. Paul Ricœur écrit « Dans le dédale des questions locales et des difficultés tactiques, il y a quelques grandes lignes qu’il ne faut pas perdre de vue, quelques gros arbres que la forêt ne doit pas cacher.

1° Le but de la colonisation est de se supprimer elle-même. La plus belle œuvre civilisatrice est destinée à équiper, pour la liberté, des zones d’humanité toujours plus vastes.

2° L’usage de la violence par les peuples qui aspirent à la liberté n’augmente pas notre bon droit. Comme occupants nous avons depuis le commencement une priorité ineffaçable dans la violence. Ce fut, le plus souvent, une violence pacificatrice qui a amoncelé pour un avenir plus ou moins lointain des réserves de violence libératrice.

3° Le piège de l’esprit colonial est le racisme. La base du droit des indigènes est l’universalisme. Je n’ai pas encore compris que dans un trolleybus, la position debout est moins fatigante pour une Mauresque enceinte que pour une Européenne dans la même situation… Je ne crois pas que les seules caractéristiques de l’Arabe, c’est qu’il soit dégénéré, paresseux et voleur. Je crois encore que les Arabes sont des hommes, je crois encore qu’ils sont nos frères et au lieu de ne voir en eux que des « ratons », j’ai encore du mal à les tutoyer…

4° L’appétit forcené et souvent prématuré de liberté qui anime les mouvements séparatistes est la même passion qui est à l’origine de notre histoire de 1789 et de Valmy, de 1848 et de juin 1940. Il ne sert à rien de dire que cet appétit est forcené et prématuré. La liberté est une passion amère et dangereuse qui compte bien des souffrances et des déceptions. Mais c’est ainsi que les peuples accèdent à leur propre existence : en faisant d’abord la catastrophique expérience de leur impuissance quand les maîtres pleins d’expérience s’en vont, emportant leur arbitrage avec leurs exactions.

5° Le caractère minoritaire des mouvements séparatistes n’est pas un argument qu’on puisse leur opposer. Les phénomènes de prise de conscience produisent toujours un grand décalage entre une avant-garde et une masse. Une politique audacieuse doit rechercher en quels groupes se fait la prise de conscience et jouer cette carte, sans ruse.

Résumons ces cinq principes. La colonisation a pour fin la liberté des indigènes. La faute originelle de la colonisation précède toutes les agressions unilatérales des indigènes. L’exigence, même prématurée de liberté, a plus de poids moral que toute l’œuvre civilisatrice des pays colonisateurs. Le racisme est le vice des Français aux colonies. Ce sont des minorités qui représentent la conscience naissante des peuples colonisés. Oui, je dois dire oui à un mouvement de l’histoire qui crée de la liberté, une liberté mineure si elle ne s’immole pas à une communauté humaine ».

Marc Ferro, dans l’introduction du « Livre noir du colonialisme » dont il a dirigé la rédaction, cite le texte de Paul Ricœur ci-dessus, ainsi qu’un extrait d’un article intitulé « La Paix des Némentchas » de Robert Bonnaud. Cet historien, militant anticolonialiste, sur les conseils de son ami de lycée Pierre Vidal-Naquet, (historien connu pour avoir travaillé sur la « disparition » du mathématicien Maurice Audin, chercheur à l’Université d’Alger), publiait en 1957 un article dans la revue Esprit, dénonçant les massacres perpétrés en 1956 par l’armée française auxquels il avait assisté en Algérie. « Je me souviens du jour où la compagnie, d’une patrouille matinale, ramena deux Algériens, rencontrés dans la steppe, que le capitaine, je ne sais pourquoi, avait trouvés suspects. Ils s’en occupèrent aussitôt, sans même prendre la peine de préparer « l’électricité ». Suit la description d’un violent passage à tabac… « Et le soir même ils furent libérés… Les gendarmes de Guentis comme tous les pacificateurs de quelque expérience partaient du point de vue qu’on ne saurait être algérien innocemment. Le déchaînement de brutalité perverse dérivait de cette constatation élémentaire de l’exaspération, ainsi que du sentiment d’impuissance… Dans ces conditions, les mieux intentionnés et les plus naïvement pacificateurs glissent très vite sur la pente de l’immoralisme répressif ». Les lignes ci-dessus expliquent l’exaspération des jeunes de banlieue, en butte aux contrôles d’identité à répétition, conséquences du « délit de faciès« .

Didier Fassin, anthropologue, a publié aux Éditions du Seuil, en 2011, un livre intitulé « La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers« . Cet ouvrage reprend les observations de l’auteur qui a suivi pendant deux ans les patrouilles de la Brigade anti criminalité (BAC). « C’est un théâtre absurde et tragique qui émerge de ces véhicules banalisés lancés à la poursuite d’on ne sait pas trop qui ou quoi. Un jour, un policier s’interroge sur le fait que les jeunes des quartiers se mettent toujours à courir quand ils le voient arriver. L’anthropologue rétorque que « le fait que le policier, à son tour, se mette à courir est un mystère encore bien plus épais à percer »…

Mystère ? Pas pour tout le monde ! Pas pour ceux qui se souviennent de leurs missions de « pacification » en Algérie, marquée, trop souvent, par l’inaction et par la frustration, par la constatation de l’immense gâchis d’une longue sous-administration des campagnes et surtout par la peur, cette bien mauvaise conseillère. Dans des conditions où règne partout et tout le temps l’insécurité, la peur est le facteur explicatif des attitudes et du comportement des militaires en Algérie : « c’est à moi de mettre un coup au but le premier, sinon c’est moi qui reçois le projectile ! ». Ou comme le conseillaient aux jeunes appelés du contingent, les sous-officiers, anciens d’Indochine : « Pas d’états d’âme. Tirez d’abord, faites les sommations après » ! Ou la pratique par les militaires des « corvées de bois« , devant l’insuffisance numérique, par conséquent, l’inefficacité des forces de police et de la Justice.

Jérémy Robine, enseignant-docteur en géopolitique, confirme l’étendue de ce climat de peur dans les zones urbaines. Son article dans Le Monde du 4 novembre 2010 est intitulé « Peur partout, sécurité nulle part« ! Il écrit : « Policiers et gendarmes ont-ils peur ? Oui, lorsqu’ils interviennent dans des territoires devenus des ghettos et craignent les parpaings ou télévisions qui chutent des toits ou des étages sur leur passage. Les citoyens ont-ils peur ? Oui, peur de la police ou peur de son inefficacité, si ce n’est les deux. Peur des parents inquiets que leurs enfants puissent être victimes de violences policières… Les délinquants ont-ils peur ? Non, car les trafiquants des cités ghettos ont bien compris que seule compte désormais la visibilité de l’action policière et en aucun cas son efficacité ». De fait, un reportage sur France-Inter en septembre 2011, portait sur un supermarché de la drogue dans la ville de Saint-Ouen. Il faisait s’exprimer les habitants d’un immeuble, excédés par les réactions violentes d’équipes de « dealers » dont l’activité illégale de vente de drogue est dérangée par les locataires qui viennent chercher leur courrier dans le hall. « Oui, nous intervenons », affirmait le représentant d’un syndicat de police, interrogé dans le reportage, « mais les dealers détalent aussitôt et reviennent dès que nous avons le dos tourné. Nous ne pouvons pas mettre un policier en permanence devant chaque immeuble« .

Les correspondants défense des petites communes du sud de l’Essonne, peuvent confirmer l’analyse de Jérémy Robine, lorsque celui-ci écrit « pour rétablir la confiance avec les citoyens, il faut privilégier la police judiciaire, une police d’enquête et d’investigation, diffuse et immergée dans la population, apte à mener une prévention efficace« . On reconnait là les méthodes et l’image positive des forces de gendarmerie déployées dans les zones rurales. Certes, il faut se garder de généraliser hâtivement. Mais on ne peut pas oublier le cri d’exaspération lancé le 3 Juin 2011 par le maire de Sevran (dans le 9-3), qui n’est pas passé inaperçu « Il veut l’armée pour lutter contre les trafiquants« . Fasse le ciel qu’un Premier ministre, dépassé par les événements, n’en vienne pas, en désespoir de cause et pour plaire à un électorat extrémiste, à faire voter des pouvoirs spéciaux, civils et militaires à l’armée, à l’exemple du socialiste, Guy Mollet, en mars 1956, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives.

Certes, nous devons nous mobiliser, car nous sommes en guerre. Mais ces guerres sont à mener contre les activités souterraines, les trafics illégaux et mafieux des drogues, des armes, des êtres humains (passeurs de clandestins et prostitution), des contrefaçons, avec pour corollaire le blanchiment d’argent sale… Ces fléaux déstabilisent notre société plus profondément encore que la menace terroriste ou le risque de catastrophes naturelles. Ces guerres demandent une coopération interministérielle réelle, dans une vision internationale, non seulement des armées, mais aussi de la police, de la justice, de l’enseignement, de la santé, des transports, de l’industrie…, en veillant à prendre des dispositions capables de ne pas conduire à l’effet « serendip », (Cf. Alain Peyrefitte dans « Le mal français« ). La sérendipité, ce sont les effets surprenants, innovants (dans le domaine de la recherche scientifique), ou les effets pervers qui aboutissent, généralement (dans le domaine socio-politique),  à l’inverse du but recherché. Dans le genre, la tentative de revalorisation de l’idée d’identité nationale française en 2009-2010 a conduit à stimuler des revendications d’appartenance, notamment religieuses à l’islam, ou à des groupes ethniques, créant ainsi un regain de communautarisme à l’opposé de l’unité nationale recherchée. Ou l’idée des CV anonymes , lesquels sont, en réalité, rejetés au premier coup d’œil, la médiocrité de leur rédaction ne pouvant plus être expliquée, voire pardonnée, par la connaissance de l’origine du candidat.

L’institution militaire peut sans doute jouer son rôle, mais pas toujours celui que l’on croit. Certes, dans le cas des cinq guerres citées plus haut, il ne faut pas passer sous silence les missions de la marine nationale ou des forces armées de terre ou de l’air pour la protection de personnels et des intérêts français à l’étranger, pour assurer la sécurité des transports maritimes contre le piratage, pour intercepter les échanges mafieux dans les limites des 200 miles nautiques (370 km) autour des possessions françaises dans le monde. Mais il n’est pas envisageable de quadriller le terrain des banlieues de la République avec des bidasses pour faire la chasse aux voyous, même s’ils sont parfois armés de Kalachnikov : il n’y a plus de service militaire obligatoire.

Toutefois, l’armée d’active et la Réserve peuvent concourir à la lutte contre la sous-administration des zones urbaines sensibles et des zones rurales isolées, à l’instar des « Bureaux arabes » à l’époque de la conquête de l’Algérie, puis avec les « Sections Administratives Spécialisées (SAS)« , pendant la guerre d’indépendance 1954-1962.

Jacques Frémeaux, historien né en Algérie en 1949, a dû quitter ce pays à l’âge de 12 ans avec ses parents. Il est devenu historien pour comprendre le pourquoi de cette page tragique de l’histoire de France.

Parmi ses nombreuses publications, on trouve un livre, publié en 2002, intitulé « La France et l’Algérie en guerre 1830-1870 et 1954-1962« . L’ouvrage très érudit, regroupe des portraits, des faits, des chiffres, des méthodes, que le lecteur peut mesurer et comparer sur près d’un siècle et demi, afin de se forger sa propre opinion et tirer des enseignements sur le sens et la continuité de l’histoire. Jacques Frémeaux a publié en 1993 un ouvrage sur « Les bureaux arabes de l’Algérie de la conquête » et, en 2002 dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains, un long article sur les SAS. Lorsque l’on lit dans l’introduction de l’article « Les débuts de la guerre d’Algérie soulignent aux yeux des autorités françaises une sous-administration criante, qui facilite l’implantation du FLN. Ils soulignent aussi le manque de fonctionnaires compétents, et encore plus de volontaires civils pour des missions dangereuses à mener dans des régions éloignées et menacées« , on ne peut s’empêcher de faire référence à ces quartiers ghettos dans les banlieues des grandes villes, où manquent aujourd’hui des bureaux de poste, des commissariats, des transports en commun fréquents et réguliers, des commerces de proximité, des emplois sérieux. On ne peut que déplorer que dans ces zones sensibles, l’administration affecte de jeunes policiers ou de jeunes enseignants inexpérimentés et insuffisamment formés, pour prendre en charge des situations particulièrement difficiles.

Gilles Kepel, politologue, spécialiste de l’islam, professeur à Sciences Po, vient de publier le rapport d’une enquête commanditée par l’Institut Montaigne et réalisée par cinq chercheurs, à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil, deux villes au centre des émeutes de 2005. Le rapport met l’accent sur la progression de l’islam dans la vie quotidienne, comme si les valeurs de la religion avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines. Certes, la politique de la ville a le mérite d’exister et beaucoup d’argent a été investi, au cours de ces dernières années, dans la rénovation urbaine. Cependant, cela ne suffit pas disent les auteurs du rapport. Il faut une politique de l’emploi appuyée sur une activité économique dynamique, avec des transports en commun capables de favoriser la mobilité nécessaire, ainsi que l’éducation adaptée à l’entrée dans le monde du travail actuel. Car les activités modernes, qui comportent une base importante d’échange de services immatériels, demandent non seulement des savoir-faire techniques, mais aussi et surtout des qualités comportementales supérieures. Celles-ci sont difficiles à faire acquérir tardivement par des jeunes gens auxquels elles ont fait défaut, lors de leur petite enfance.

Michèle Tribalat, démographe, directrice de recherches à l’Institut national d’études démographiques (INED), publie dans le numéro 136 (Hiver 2011/2012) de la revue Commentaire, un article intitulé « Dynamique démographique des musulmans de France« . Par rapport aux chiffres fantaisistes qui circulent, car on confond souvent dans la terminologie de « musulman » la pratique de la religion avec l’immigration en provenance de pays musulmans, Michèle Tribalat évalue ainsi la population musulmane à 4 millions de musulmans, soit 6 % de l’ensemble de la population française. Elle conclut que cette évaluation, « combinée à une immigration qui ne se réduira pas dans les années qui viennent et à une réislamisation des jeunes générations, donne à la confession musulmane, un dynamisme tout à fait incongru dans un pays fortement laïcisé, en voie de déchristianisation avancée« . Elle ajoute que le contexte actuel, très sécularisé, une sécularisation vue comme progressiste et inexorable, « peut au contraire être le ferment d’un durcissement identitaire et religieux, l’islam n’étant pas perçu comme ringard, à la différence de l’intégrisme catholique« .

Leyla Arslan, chargée d’études à l’Institut Montaigne et coordinatrice de l’enquête « Banlieues de la République« , souligne de son côté, dans un article du journal Le Monde du 14 octobre 2011 intitulé « La religion est un marqueur d’intégration« , que « si le référent religieux tend à être plus visible, cela ne signifie pas qu’il y ait une volonté de construire une société séparée. Les résultats convergent vers une demande de République et la volonté d’être considérés comme des citoyens à part entière. Dans une France qui vieillit, laisser des quartiers jeunes en situation d’exclusion et de ségrégation, constitue un intolérable gaspillage pour l’ensemble du pays ».

Une telle intégration est possible, à travers une réflexion collective et une prise de conscience de la réalité, puisque, à la différence de l’Algérie coloniale, la partie de la population qui souhaite aujourd’hui être considérée des citoyens à part entière, est loin de représenter quelque 90 % de la population totale. La grande majorité de cette population est constituée de citoyens français. Ils bénéficient de tous leurs droits civiques, sans qu’on leur demande de renoncer à leur « statut personnel« , c’est-à-dire à la religion musulmane. C’était pourtant le cas pour la plupart des Algériens qui avaient la nationalité française, puisque l’Algérie coloniale était constituée de trois départements français, mais qui ne bénéficiaient pas la citoyenneté. Certes, aujourd’hui, il faut encore lutter contre une forme sournoise de ségrégation, par l’impact des discriminations notamment à l’emploi, en fonction du nom et prénom, de l’adresse de résidence, de la couleur de peau…

Benjamin Stora, spécialiste de l’histoire de l’Algérie coloniale et de la guerre d’Algérie, a publié beaucoup d’ouvrages sur le sujet, à commencé ses travaux d’historien par une biographie de Messali Hadj.

Benjamin Stora ne manque pas de rappeler que les études historiques sur la question d’Algérie n’en sont encore qu’à leurs premiers balbutiements. Il est donc important et urgent de mettre l’accent sur cette page d’histoire, avec des études historiques diversifiées, en croisant les sources de toutes origines, au profit de nos jeunes générations et en faisant appel, pendant qu’il est encore temps, aux témoignages, aux documents et aux opinions de ceux qui sont encore pour quelques années, des témoins oculaires de ce conflit et de son contexte.

Pierre Rosanvallon, historien, professeur au Collège de France, vient de publier « La Société des égaux » ouvrage dans lequel il souligne les effets délétères des inégalités sur la vie démocratique. Auparavant, avec « La contre-démocratie« , il étudiait l’érosion de la confiance des citoyens envers ses représentants politiques et le rôle de la défiance comme outil de structuration de la vie démocratique. Parallèlement, il a dirigé et préfacé un ouvrage collectif publié sous le titre « Refaire société« , une analyse du sentiment d’injustice, avivé par la crise économique, qui offre l’occasion de repenser la cohésion sociale.

Ainsi, dans le cadre de l’institution militaire et dans un contexte qui invite à l’action, les Réservistes citoyens et en particulier les Réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (R L J C) ont un rôle éminent à jouer dans la participation à la reconquête des banlieues de la République. Les R L J C sont des acteurs privilégiés. Ils disposent, avec les offres du Plan Égalité des Chances du ministère de la Défense, des outils requis pour intervenir efficacement auprès de la jeunesse, afin de développer le civisme, l’éducation, la culture générale (la véritable école du commandement), l’esprit de Défense et de sécurité, les carrières dans les armées, ainsi que toutes sortes de projets utiles dans le cadre de partenariats à définir avec tous les acteurs concernés.

Ils peuvent suggèrer, par exemple, de proposer leur coopération avec les professeurs d’histoire de l’enseignement secondaire pour illustrer, avec leurs témoignages, la période historique allant de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. Parce que la guerre froide, mal nommée car elle a fait plus de victimes que toutes les autres guerres, la seconde guerre mondiale exceptée, concerne une période périlleuse, aux limites d’un conflit nucléaire (Crise de Cuba).

Comme le montre André Fontaine, journaliste qui sera directeur du journal Le Monde, la guerre froide aura créé entre les deux superpuissances, États-Unis et Union Soviétique, un contexte d’affrontement  tel (troisième guerre mondiale) qu’il explique les obstacles pour résoudre dans la paix les conflits de la décolonisation apparus en Indochine et en Algérie.

Cette mission d’explication historique de notre proche passé est d’autant plus attendue que les jeunes Français ont désormais une image consensuelle et positive de l’armée, d’après une enquête, réalisée en 2011, auprès d’un millier d’étudiants et de lycéens. Cette vision positive s’appuie sur des valeurs partagées comme le sens du devoir, la discipline, le sens de l’engagement et du sacrifice. Pour la jeunesse, l’armée doit défendre et protéger. Ses missions les plus légitimes sont le rétablissement de la paix et les interventions humanitaires.

De fait, en novembre 2010, un colloque avait lieu au Collège des Bernardins, intitulé « Humanitaires, militaires, même combat ? ». Ce thème confirme la pertinence de l’interrogation. Ainsi, bénévoles, motivés par l’humanisme, par le devoir d’altruité, les Réservistes citoyens n’ont pas besoin de casques, de gilets pare-balles, de Flash-Ball, de Taser…, pour intervenir auprès des jeunes générations, afin de stimuler leurs libertés individuelles et faire entendre la voix du bon sens, celle de la prévention qui doit passer avant la répression.

 Mobilisons, en particulier, ceux des réservistes qui ont une pratique du fonctionnement, non seulement des entreprises en général, mais surtout des PME vouées aux activités de service aux entreprises, dans le cadre de la ré-industrialisation de la France. Parce que c’est l’activité économique, sérieuse, honnête, novatrice et rentable qui reste le meilleur facteur d’insertion dans la vie active, l’escalier social qui permet de progresser au mérite.

Mobilisons ceux qui savent ce qu’est « un client » !  C’est à dire les « entreprenants« , ceux qui possèdent l’expérience vécue pour savoir créer un parc de clients, le cultiver et comment le développer. Car l’intégration des jeunes générations ne peut être réussie que dans le cadre d’un développement socio-économique, par la promotion de l’esprit d’entreprise et aussi avec les bénéfices et l’espoir d’une prospérité retrouvée.

Le pire n’est pas toujours sûr. La guerre d’Algérie n’aura pas lieu !  

À bon entendeur, salut !


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